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Drachenwut's Politikblog ThemenPolitische KorrektheitPolitische Korrektheit (dengl. pollitickel koräktnäss) ist heutzutage, dass logisch-auf sich beruhende Gegenteil von faktischer Korrektheit. |
Quels sont les véritables
objectifs des Etats-Unis ? A ce stade de notre réflexion, plusieurs indices permettent
déjà d’écarter définitivement la thèse de la guerre humanitaire ou de la
réaction impulsive face aux événements. Si Washington et Paris ont délibérément
refusé toute négociation, s’ils ont « travaillé » depuis un bon moment
l’opposition libyenne et préparé des scénarios détaillés d’intervention, si les
porte-avions se tenaient depuis longtemps prêts à intervenir (comme l’a
confirmé l’amiral Gary Roughead, chef de l’US Navy : « Nos forces étaient déjà
positionnées contre la Libye », Washington, 23 mars), c’est forcément que cette
guerre n’a pas été décidée au dernier moment en réaction à des événements
soudains, mais qu’elle avait été planifiée. Parce qu’elle poursuit des
objectifs majeurs qui dépassent largement la personne de Kadhafi. Lesquels ?
Partie
1 : Des questions qu’il faut se poser à chaque guerre
Partie 3 : Pistes pour agir
Les objectifs des USA vont
bien au-delà du pétrole
Dans
cette guerre contre la Libye, Washington poursuit plusieurs objectifs simultanément : 1. Contrôler le pétrole. 2. Sécuriser Israël. 3.
Empêcher la libération du monde arabe. 4. Empêcher l’unité africaine. 5. Installer
l’Otan comme gendarme de l’Afrique.
Ca fait
beaucoup d’objectifs ? Oui. Tout comme lors des guerres précédentes :
Irak, Yougoslavie, Afghanistan. En effet, une guerre de ce type coûte cher et
comporte des risques importants pour l’image des Etats-Unis, surtout quand ils
ne parviennent pas à gagner. Si Obama déclenche une
telle guerre, c’est qu’il en attend des gains très importants.
Objectif n° 1 :
Contrôler l’ensemble du pétrole
Certains
disent que cette fois, ce n’est pas une guerre du pétrole, car les quantités
libyennes seraient marginales dans la production mondiale et que, de toute
façon, Kadhafi vendait déjà son pétrole aux Européens. Mais ils ne comprennent
pas en quoi consiste la « guerre mondiale du pétrole »…
Avec
l’aggravation de la crise générale du capitalisme, les grandes puissances
économiques se livrent une compétition de plus en plus acharnée. Les places
sont chères dans ce jeu de chaises musicales. Pour garantir une chaise à ses
multinationales, chaque puissance doit se battre sur tous les fronts :
conquérir des marchés, conquérir des zones de main d’œuvre profitable, obtenir
de gros contrats publics et privés, s’assurer des monopoles commerciaux,
contrôler des Etats qui lui accorderont des avantages… Et
surtout, s’assurer la domination sur des matières premières convoitées. Et
avant tout, le pétrole.
En 2000, analysant les guerres à venir dans notre livre Monopoly,
nous écrivions : « Qui veut diriger le monde, doit contrôler le
pétrole. Tout le pétrole. Où qu’il soit. ». Si vous êtes une grande
puissance, il ne vous suffit pas d’assurer votre propre approvisionnement en
pétrole. Vous voudrez plus, vous voudrez le maximum. Non seulement pour les
énormes profits, mais surtout parce qu’en vous assurant un monopole, vous serez
à même d’en priver vos rivaux trop gênants ou de les soumettre à vos
conditions. Vous détiendrez l’arme absolue. Chantage ? Oui.
Depuis 1945, les Etats-Unis ont tout fait pour s’assurer ce monopole sur
le pétrole. Un pays rival comme le Japon dépendait par exemple à 95% des USA
pour son approvisionnement en énergie. De quoi garantir son obéissance. Mais les rapports de force
changent, le monde devient multipolaire et les Etats-Unis font face à la montée
de la Chine, à la remontée de la Russie, à l’émergence du Brésil et d’autres
pays du Sud. Le monopole devient de plus en plus difficile à maintenir.
Le pétrole libyen, c’est seulement 1% ou 2% de la production
mondiale ? D’accord, mais il est de la meilleure qualité, d’extraction
facile et donc très rentable. Et surtout il est situé tout près de l’Italie, de
la France et de l’Allemagne. Importer du pétrole du Moyen-Orient, d’Afrique noire ou d’Amérique
latine se ferait à un coût bien supérieur. Il y a
donc bel et bien bataille pour l’or noir libyen. D’autant plus pour un pays
comme la France, la plus engagée dans un programme nucléaire devenu bien
hasardeux.
Dans ce contexte, il faut rappeler deux faits. 1. Kadhafi désirait
porter la participation de l’Etat libyen dans le pétrole de 30% à 51%. 2. Le 2 mars
dernier, Kadhafi s’était plaint que la production pétrolière de son pays était
au plus bas. Il avait menacé de remplacer les firmes occidentales ayant quitté
la Libye par des sociétés chinoises, russes et indiennes. Est-ce une
coïncidence ? Chaque fois qu’un pays africain commence à se tourner vers
la Chine, il lui arrive des problèmes.
Voici un autre indice : Ali Zeidan, l’homme qui a lancé le
chiffre de « six mille morts civils », qui auraient été victimes
des bombardements de Kadhafi, cet homme est aussi le porte-parole du fameux
CNT, le gouvernement d’opposition, reconnu par la France. Eh bien, à ce titre, Ali Zeidan a
déclaré que « les contrats signés seront respectés", mais
que le futur pouvoir « prendra en considération les nations qui nous
ont aidés » ! C’est donc bien une nouvelle guerre du
pétrole. Mais elle ne se déroule pas seulement contre la Libye…
Pourquoi ces rivalités USA – France -
Allemagne ?
Si la
guerre contre la Libye est juste humanitaire, on ne comprend pas pourquoi ceux qui
la mènent se disputent entre eux. Pourquoi Sarkozy s’est-il précipité pour être
le premier à bombarder ? Pourquoi s’est-il fâché lorsque l’Otan a voulu
prendre le contrôle des opérations ? Son
argument « L’Otan est impopulaire dans les pays arabes » ne
tient pas debout. Comme si lui, Sarkozy, y était tellement populaire après
avoir à ce point protégé Israël et Ben Ali !
Pourquoi l’Allemagne et l’Italie ont-elles été si réticentes face à
cette guerre ? Pourquoi
le ministre italien Frattini a-t-il d’abord déclaré qu’il fallait « défendre
la souveraineté et l’intégrité territoriale de la Libye » et que « l’Europe
ne devrait pas exporter la démocratie en Libye » ? Simples
divergences sur l’efficacité humanitaire ? Non, il s’agit là aussi
d’intérêts économiques. Dans une Europe confrontée à la crise, les rivalités
sont de plus en plus fortes aussi. Il y a quelques mois encore, on défilait à
Tripoli pour embrasser Kadhafi et empocher les gros contrats libyens. Ceux qui
les avaient obtenus, n’avaient pas intérêt à le renverser. Ceux qui ne les avaient pas obtenus, y ont intérêt.
Qui était le premier client du pétrole libyen ? L’Italie. Qui était le
deuxième ? L’Allemagne. Continuons avec les investissements et les
exportations des puissances européennes… Qui avait obtenu le plus de contrats
en Libye ? L’Italie. Numéro deux ? L’Allemagne.
C’est la
firme allemande BASF qui était devenue le principal producteur de pétrole en
Libye avec un investissement de deux milliards d’euros. C’est la firme
allemande DEA, filiale du géant de l’énergie RWE, qui a obtenu plus de quarante
mille kilomètres carrés de gisements de pétrole et de gaz. C’est la firme
allemande Siemens qui a joué le rôle majeur dans les énormes investissements du
gigantesque projet « Great Man Made River » : le plus grand
projet d’irrigation au monde, un réseau de pipelines pour amener l’eau depuis
la nappe aquifère de la Nubie jusqu’au désert du Sahara. Plus de 1.300 puits,
souvent à plus de cinq cents mètres de profondeur qui, une fois tous les travaux
terminés, fourniront chaque jour 6,5 millions de mètres cubes d’eau à Tripoli,
Benghazi, Syrte et d’autres villes. 25 milliards de dollars qui ont attiré
quelques convoitises ! De plus, avec ses pétrodollars, la Libye avait
aussi engagé un très ambitieux programme pour renouveler ses infrastructures,
construire des écoles et des hôpitaux et pour industrialiser le pays.
Profitant
de sa puissance économique, l’Allemagne a noué des partenariats économiques
privilégiés avec la Libye, l’Arabie saoudite et les pays du Golfe arabique. Elle n’a donc aucune envie d’abîmer son image dans le monde arabe. Quant
à l’Italie, il faut rappeler qu’elle colonisa la Libye avec une brutalité
inouïe en s’appuyant sur les tribus de l’ouest contre celles de l’est. Aujourd’hui, à travers
Berlusconi, les sociétés italiennes ont obtenu quelques beaux contrats. Elles
ont donc beaucoup à perdre. Par contre, la France et l’Angleterre qui n’ont pas
obtenu les plus beaux morceaux du gâteau, sont à l’offensive pour obtenir le
repartage de ce gâteau. Et la guerre en Libye est tout simplement le
prolongement de la bataille économique par d’autres moyens. Le monde
capitaliste n’est vraiment pas beau.
La
rivalité économique se transpose sur le plan militaire. Dans une Europe en
crise et dominée par une Allemagne ultraperformante (grâce notamment à sa
politique de bas salaires), la France rompt ses alliances et se tourne à
présent vers la Grande-Bretagne pour tenter de rééquilibrer la situation. Paris
et Londres ont davantage de moyens militaires que Berlin, et tentent de jouer
cette carte pour contrer leur faiblesse économique.
Objectif n° 2 : Sécuriser Israël
Au Moyen-Orient, tout est lié. Comme Noam Chomsky nous l’a expliqué dans
un entretien : « A partir de 1967, le gouvernement US a considéré
Israël comme un investissement stratégique. C’était un des commissariats de
quartier chargés de protéger les dictatures arabes productrices de
pétrole. ». Israël, c’est le flic du Moyen-Orient.
Seulement, le problème nouveau pour Washington, c’est que les nombreux
crimes commis par Israël (Liban, Gaza, flotille humanitaire…) l’isolent de plus
en plus. Les
peuples arabes réclament la fin de ce colonialisme. Du coup, c’est le
« flic » qui a besoin d’être protégé. Israël ne peut survivre sans un
entourage de dictatures arabes ne tenant aucun compte de la volonté de leurs
peuples d’être solidaires des Palestiniens. C’est pourquoi Washington a
protégé Moubarak et Ben Ali, et protégera les autres dictateurs.
Les Etats-Unis
craignent de « perdre » la Tunisie et l’Egypte dans les années à
venir. Ce qui changerait les rapports de force dans la région. Après la guerre
contre l’Irak en 2003, qui était aussi un avertissement et une intimidation
envers tous les autres dirigeants arabes, Kadhafi avait senti la menace. Il
avait donc multiplié les concessions, parfois exagérées, aux puissances
occidentales et à leur néolibéralisme. Ce qui
l’avait affaiblie sur le plan intérieur des résistances sociales. Quand on cède
au FMI, on fait du tort à sa population. Mais si demain la Tunisie et l’Egypte virent à
gauche, Kadhafi pourra sans doute revenir sur ces concessions.
Un axe de
résistance Le Caire – Tripoli – Tunis, tenant tête aux Etats-Unis et décidé à
faire plier Israël serait un cauchemar pour Washington. Faire tomber Kadhafi,
c’est donc de la prévention.
Objectif n° 3 :
Empêcher la libération du monde arabe
Qui règne
aujourd’hui sur l’ensemble du monde arabe, son économie, ses ressources et son
pétrole ? Pas les peuples arabes, on le sait. Mais pas
non plus les dictateurs en place. Certes, ils occupent le devant de la scène,
mais les véritables maîtres sont dans les coulisses.
Ce sont les multinationales US et européennes qui décident ce qu’on va
produire ou non dans ces pays, quels salaires on paiera, à qui profiteront les
revenus du pétrole et quels dirigeants on y imposera. Ce sont les multinationales qui
enrichissent leurs actionnaires sur le dos des populations arabes.
Imposer
des tyrans à l’ensemble du monde arabe a des conséquences très graves : le
pétrole, mais aussi les autres ressources naturelles servent seulement aux
profits des multinationales, pas à diversifier l’économie locale et à créer des
emplois. En outre, les multinationales imposent des bas salaires dans le
tourisme, les petites industries et les services en sous-traitance.
Du coup,
ces économies restent dépendantes, déséquilibrées et elles ne répondent pas aux
besoins des peuples. Dans les années à venir, le chômage va encore s’aggraver.
Car 35% des Arabes ont moins de quinze ans. Les dictateurs sont des employés
des multinationales, chargés d’assurer leurs profits et de briser la
contestation. Les dictateurs ont pour rôle d’empêcher la Justice sociale.
Trois
cent millions d’Arabes répartis en vingt pays, mais se considérant à juste
titre comme une seule nation, se trouvent donc placés face à un choix
décisif : accepter le maintien de ce colonialisme ou devenir indépendants
en empruntant une voie nouvelle ? Tout
autour, le monde est en plein bouleversement : la Chine, le Brésil et
d’autres pays s’émancipent politiquement, ce qui leur permet de progresser
économiquement. Le monde
arabe demeurera-t-il en arrière ? Restera-t-il une dépendance des
Etats-Unis et de l’Europe, une arme que ceux-ci utilisent contre les autres
nations dans la grande bataille économique et politique internationale ?
Ou bien l’heure de la libération va-t-elle enfin sonner ?
Cette
idée terrorise les stratèges de Washington. Si le monde arabe et le pétrole
leur échappent, c’en est fini de leur domination sur la planète. Car les
Etats-Unis, puissance en déclin économique et politique, sont de plus en plus
contestés : par l’Allemagne, par la Russie, par l’Amérique latine et par
la Chine. En outre, de nombreux pays du Sud aspirent à développer les relations
Sud – Sud, plus avantageuses que la dépendance envers les Etats-Unis.
Ceux-ci
ont de plus en plus de mal à se maintenir comme la plus grande puissance
mondiale, capable de piller des nations entières et capable de porter la guerre
partout où ils le décident. Répétons-le : si demain le monde arabe s’unit
et se libère, si les Etats-Unis perdent l’arme du pétrole, ils ne seront plus
qu’une puissance de second rang dans un monde multipolaire. Mais ce sera un
grand progrès pour l’humanité : les relations internationales prendront un
nouveau cours, et les peuples du Sud pourront enfin décider de leur propre sort
et en finir avec la pauvreté.
Ceux pour qui la démocratie est dangereuse
Les
puissances coloniales ou néocoloniales d’hier nous jurent qu’elles ont changé.
Après avoir financé, armé, conseillé et protégé Ben Ali, Moubarak et compagnie,
voilà que les Etats-Unis, la France et les autres nous inondent de déclarations
touchantes. Comme Hillary Clinton : « Nous soutenons l’aspiration des
peuples arabes à la démocratie. »
C’est un mensonge total. Les Etats-Unis et leurs alliés ne veulent absolument
pas d’une démocratie arabe, ne veulent absolument pas que les Arabes puissent
décider sur leur pétrole et leurs autres richesses. Ils ont donc tout fait pour
freiner la démocratisation, pour maintenir au pouvoir des responsables de
l’ancien régime. Et, quand
cela échoue, pour imposer d’autres dirigeants à eux, chargés de démobiliser les
résistances populaires. Le pouvoir égyptien vient par exemple de prendre des
mesures anti-grèves très brutales.
Expliquer
la guerre contre la Libye par cette idée qu’après la Tunisie et l’Egypte,
Washington et Paris auraient « compris » et voudraient se donner
bonne conscience ou en tout cas redorer leur blason, ce n’est donc qu’une
grosse tromperie. En réalité, la politique occidentale dans le monde arabe forme
un ensemble qui s’applique sous trois formes diverses : 1. Maintenir des
dictatures répressives. 2. Remplacer Moubarak et Ben Ali par des pions sous
contrôle. 3. Renverser les gouvernements de Tripoli, Damas et Téhéran pour
recoloniser ces pays « perdus ». Trois méthodes, mais un même
objectif : maintenir le monde arabe sous domination pour continuer à
l’exploiter.
La
démocratie est dangereuse quand on représente seulement les intérêts d’une
toute petite minorité sociale. Ce qui fait très peur aux Etats-Unis, c’est que
le mécontentement social a éclaté dans pratiquement toutes les dictatures
arabes… En Irak (et nos médias n’en ont rien dit), de nombreuses grèves ont
touché le pétrole, le textile, l’électricité et d’autres secteurs. A Kut, les troupes US ont même encerclé une usine textile en grève. On a
manifesté dans seize des dix-huit provinces, toutes communautés confondues,
contre ce gouvernement corrompu qui abandonne son peuple dans la misère. A Bahrein, sous la pression de la
rue, le roi a fini par promettre une bourse spéciale de 2.650 $ à chaque
famille. A Oman, le sultan Qaboos bin Said a remplacé la moitié de son
gouvernement et augmenté le salaire minimum de 40%, ordonnant de créer
cinquante mille emplois. Même le roi saoudien Fahd a
débloqué 36 milliards de dollars pour aider les familles à bas et moyens
revenus !
Evidemment, une question surgit de suite chez tous les gens
simples : mais s’ils avaient tout cet argent, pourquoi le gardaient-ils
dans leurs coffres ? La question suivante étant : combien d’autres
milliards ont-ils volé à leurs peuples avec la complicité des
Etats-Unis ? Et la dernière : comment mettre fin à ce vol ?
« Révolutions
Facebook », grand complot US ou vraies révolutions ?
Une interprétation erronée s’est répandue sur Internet : les
révolutions arabes auraient été déclenchées et manipulées par les Etats-Unis.
Ils en auraient tiré les ficelles pour opérer des changements bien contrôlés et
pouvoir attaquer la Libye, la Syrie, l’Iran. Tout aurait été
« fabriqué ». L’argument pour cette thèse : des organismes plus
ou moins officiels avaient invité aux USA et formé des
« cyberactivistes » arabes qui ont joué un rôle en pointe dans la
circulation des infos et qui ont symbolisé une révolution de type nouveau, la
« révolution Facebook ».
L’idée de ce grand complot ne tient pas. En réalité, les Etats-Unis ont
tout fait pour maintenir aussi longtemps que possible Moubarak, dictateur bien
utile. Cependant, ils le savaient en mauvaise santé et « fini ». Dans
ce genre de situations, ils préparent évidemment un « Plan B » et
même un « Plan C ». Le Plan B consistait à remplacer Moubarak par un de ses adjoints. Mais
ça avait peu de chances de marcher, vu la colère profonde du peuple égyptien.
Donc, ils avaient préparé aussi un, voire plusieurs Plan C, comme ils le
font d’ailleurs dans pratiquement tous les pays qu’ils veulent contrôler. Ca
consiste en quoi ? Ils achètent à l’avance quelques opposants et
intellectuels - que ceux-ci s’en rendent compte ou non - et
« investissent » donc dans l’avenir. Le jour venu, ils propulsent ces
gens sur le devant de la scène. Combien de temps ça marchera, c’est une autre
question dès lors que la population est mobilisée et qu’un régime, même
relifté, ne peut résoudre les revendications populaires si son but est de
maintenir l’exploitation des gens.
Parler de « révolution Facebook » est un mythe qui arrange
bien les USA. Autant nous avons signalé depuis longtemps l’importance cruciale
des nouvelles méthodes d’info et de mobilisation sur Internet, autant est
absurde l’idée que Facebook remplacerait les luttes sociales et les
révolutions. Cette idée convient bien aux grands capitalistes (dont Moubarak
était le représentant), mais en réalité ce qu’ils craignent par dessus tout,
c’est la contestation des travailleurs, car elle met directement en danger leur
source de profits.
Le rôle des travailleurs
Facebook est une méthode de lutte, ce n’est pas l’essence de la
révolution. Cette présentation veut escamoter le rôle de la classe ouvrière (au
sens large), qui serait remplacée par Internet. En réalité, une révolution est
une action par laquelle ceux d’en bas donnent leur congé à ceux d’en haut. Avec
un changement radical non seulement du personnel politique, mais surtout dans
les rapports d’exploitation sociale.
Aïe ! Selon nos grands penseurs officiels, ça fait longtemps qu’on
n’aurait plus le droit d’employer le terme « lutte de classe » qui
serait dépassé et même un peu obscène. Pas de chance pour vous, le deuxième
homme le plus riche du monde, le grand boursier Warren Buffet, a lâché le
morceau il y a quelque temps : « D’accord, il y a une lutte de
classe en Amérique. Mais c’est ma classe, la classe des riches, qui fait la guerre et nous
la gagnons. ». Ça,
Monsieur Buffett, il ne faut jamais en jurer avant la fin de la pièce !
Rira bien…
Mais les
réalités tunisiennes et égyptiennes confirment la réalité de la lutte des
classes, en accord avec Monsieur Buffett… Quand Ben Ali a-t-il fait sa
valise ? Le 14 janvier, quand les travailleurs tunisiens étaient engagés dans
une grève générale. Quand Moubarak a-t-il quitté son trône ? Lorsqu’une
puissante grève des ouvriers égyptiens a paralysé les usines de textile, la
poste et même les médias officiels. Explication par Joel Beinin, professeur à
l’université de Stanford et ancien directeur à l’université américaine du
Caire : « Ces dix dernières années, une vague énorme de
protestations sociales avaient touché plus de deux millions de travailleurs
dans plus de trois mille grèves, sit-ins et autres formes de protestation. Tel était l’arrière-plan de tout ce soulèvement révolutionnaire des
dernières semaines… Mais dans les derniers jours, on a vu des dizaines de
milliers de travailleurs lier leurs revendications économiques avec l’exigence
d’abolir le régime Moubarak… ».
La révolution arabe ne fait que commencer. Après les premières victoires
populaires, la classe dominante, toujours au pouvoir, tente d’apaiser le peuple
avec quelques petites concessions. Obama souhaitait que la rue se calme au plus vite
et que tout reste comme avant. Cela peut marcher un temps,
mais la révolution arabe est en route. Elle peut prendre des années mais sera difficile à
arrêter.
Objectif n° 4 :
Empêcher l’unité africaine
Continent
le plus riche de la planète, avec une profusion de ressources naturelles,
l’Afrique est aussi le plus pauvre. 57% vivent sous le seuil de pauvreté,
c’est-à-dire avec moins d’1,25 $ par jour.
La clé de
ce mystère ? C’est justement que les multinationales ne
paient pas ces matières premières, elles les volent. En Afrique, elles pillent
les ressources, imposent des bas salaires, des accords commerciaux défavorables
et des privatisations nuisibles, elles exercent toutes sortes de pressions et
chantages sur des Etats faibles, elles les étranglent par une Dette injuste, elles
installent des dictateurs complaisants, elles provoquent des guerres civiles
dans les régions convoitées.
L’Afrique est stratégique pour les multinationales, car leur prospérité
est basée sur le pillage de ces ressources. Si un prix correct était payé pour l’or,
le cuivre, le platine, le coltan, le phosphate, les diamants et les produits
agricoles, les multinationales seraient beaucoup moins riches mais les
populations locales pourraient échapper à la pauvreté.
Pour les
multinationales des Etats-Unis et d’Europe, il est donc vital d’empêcher
l’Afrique de s’unir et de s’émanciper. Elle doit rester dépendante. Un exemple,
bien exposé par un auteur africain, Jean-Paul Pougala… « L’histoire
démarre en 1992 lorsque quarante-cinq pays africains créent la société RASCOM
pour disposer d’un satellite africain et faire chuter les coûts de
communication sur le continent. Téléphoner de et vers l’Afrique est alors le
tarif le plus cher au monde, parce qu’il y avait un impôt de 500 millions de
dollars que l’Europe encaissait par an sur les conversations téléphoniques même
à l’intérieur du même pays africain, pour le transit des voix sur les
satellites européens comme Intelsat.
Un satellite africain coûtait juste 400 millions de dollars payable une
seule fois et ne plus payer les 500 millions de location par an. Quel banquier
ne financerait pas un tel projet ? Mais l’équation la plus difficile à
résoudre était : comment l’esclave peut-il s’affranchir de l’exploitation
servile de son maître en sollicitant l’aide de ce dernier pour y
parvenir ? Ainsi, la Banque Mondiale , le FMI, les USA, l’Union Européenne
ont fait miroiter inutilement ces pays pendant quatorze ans. C’est en 2006 que
Kadhafi met fin au supplice de l’inutile mendicité aux prétendus bienfaiteurs
occidentaux pratiquant des prêts à un taux usuraire ; le guide libyen
a ainsi mis sur la table 300 millions de dollars, La Banque Africaine de
Développement a mis 50 millions, la Banque Ouest Africaine de Développement, 27
millions et c’est ainsi que l’Afrique a depuis le 26 décembre 2007 le tout
premier satellite de communication de son histoire. Dans la foulée, la Chine et
la Russie s’y sont mises, cette fois en cédant leur technologie et ont permis
le lancement de nouveaux satellites, sud-africain, nigérian, angolais, algérien
et même un deuxième satellite africain est lancé en juillet 2010. Et on attend
pour 2020, le tout premier satellite technologiquement 100% africain et
construit sur le sol africain, notamment en Algérie. Ce satellite est prévu pour
concurrencer les meilleurs du monde, mais à un coût dix fois inférieur, un vrai
défi.
Voilà comment un simple geste symbolique de 300 petits millions peut
changer la vie de tout un continent. La Libye de Kadhafi a fait perdre à
l’Occident, pas seulement 500 millions de dollars par an mais
les milliards de dollars de dettes et d’intérêts que cette même dette
permettait de générer à l’infini et de façon exponentielle, contribuant ainsi à
entretenir le système occulte pour dépouiller l’Afrique. (…) C’est la Libye de
Kadhafi qui offre à toute l’Afrique sa première vraie révolution des temps
modernes : assurer la couverture universelle du continent pour la
téléphonie, la télévision, la radiodiffusion et de multiples autres
applications telles que la télémédecine et l’enseignement à distance ;
pour la première fois, une connexion à bas coût devient disponible sur
tout le continent, jusque dans les zones rurales grâce au système par pont
radio WMAX. »
Tiens,
voilà quelque chose qu’on ne nous avait pas raconté sur le méchant Kadhafi !
Qu’il aidait les Africains à s’émanciper de l’étouffante tutelle des
Occidentaux. Y aurait-il encore d’autres non dits de ce genre ?
Kadhafi a défié le FMI et Obama joue les
pick-pockets
Oui. En soutenant le développement du « Fonds monétaire africain »
(FMA), Kadhafi a commis le crime de défier le Fonds Monétaire International
(FMI). On sait que le FMI, contrôlé par les Etats-Unis et l’Europe, et présidé
par Dominique Strauss-Kahn, exerce un véritable chantage sur les pays en
développement. Il leur
prête seulement à condition que ces pays acceptent de se défaire de leurs
entreprises au profit des multinationales, de passer des commandes
inintéressantes ou de réduire leurs budgets santé et éducation. Bref, ce
banquier FMI est très nuisible.
Eh bien,
de même que les Latinos ont lancé leur propre Banco Sur, pour contrer
les chantages arrogants du FMI et décider eux-mêmes quels projets vraiment
utiles ils veulent financer, voici que le FMA pourrait commencer à offrir une
voie plus indépendante aux Africains. Et qui finance le
FMA ? L’Algérie a fourni 16 milliards, et la Libye 10 milliards. Soit
ensemble 62% de son capital.
Mais, dans la plus grande discrétion médiatique, Obama vient tout
simplement de voler trente milliards au peuple libyen. Comment ça s’est passé ? Le
1er mars (bien avant la résolution de l’ONU), il a donné l’ordre au
Trésor US de bloquer les dépôts de la Libye aux USA. Puis, le 17 mars, il s’est
arrangé pour insérer dans la résolution 1973 de l’ONU une petite phrase
autorisant à geler les avoirs de la banque centrale de Libye mais aussi de la
compagnie nationale libyenne du pétrole. On sait que Kadhafi a amassé un trésor
pétrolier qui lui a permis d’investir dans de grandes sociétés européennes,
dans de grands projets de développement africain (et peut-être aussi dans
certaines campagnes électorales européennes, mais ceci ne semble pas constituer
une forme efficace d’assurance-vie !)…
Bref, la
Libye est un pays assez riche (200 milliards de dollars de réserves) qui a
attiré les convoitises d’une puissance hyper-endettée : les Etats-Unis. Alors, pour détourner les dizaines de milliards de dollars de la banque
nationale libyenne, bref pour faire les poches du peuple libyen, Obama a
simplement baptisé tout ça « source potentielle de financement du
régime Kadhafi » et le tour était joué. Un vrai pick-pocket.
Malgré tous ses efforts pour amadouer l’Occident en multipliant les
concessions au néolibéralisme, Kadhafi inquiétait toujours les dirigeants des
Etats-Unis. Un câble
de l’ambassade US à Tripoli, datant de novembre 2007, déplore cette
résistance : « Ceux qui dominent la direction politique et
économique de la Libye poursuivent des politiques de plus en plus nationalistes
dans le secteur de l’énergie. » Refuser la privatisation tous azimuts,
ça mérite donc des bombardements ? La guerre est bel et bien la
continuation de l’économie par d’autres moyens.
Objectif n° 5 :
Installer l’Otan comme gendarme de l’Afrique
Au
départ, l’Otan était censée protéger l’Europe contre la « menace militaire
soviétique ». Donc, une fois l’URSS disparue, l’Otan aurait dû disparaître
aussi. Mais ce fut tout le contraire…
Après
avoir bombardé en Bosnie en 1995, Javier Solana, secrétaire-général de
l’Otan, déclarait : « L’expérience acquise en Bosnie pourra
servir de modèle pour nos opérations futures de l’Otan ». A l’époque,
j’avais donc écrit : « L’Otan réclame en fait une zone d’action
illimitée. La Yougoslavie a été un laboratoire pour préparer de prochaines
guerres. Où auront-elles lieu ? ». Et je proposais cette
réponse : « Axe n° 1 : Europe de l’Est. Axe
n° 2 : Méditerranée et Moyen-Orient. Axe n° 3 : le tiers
monde en général. » Nous y sommes, c’est ce programme qui se réalise
aujourd’hui.
Dès 1999, l’Otan bombardait la Yougoslavie. Une guerre pour soumettre ce pays
au néolibéralisme, ainsi que nous l’avons vu. Etudiant
les analyses des stratèges US, je soulignai alors cette phrase de l’un d’eux,
Stephen Blank : « Les missions de l’Otan seront de plus en plus
‘out of area’ (hors de sa zone de défense). Sa fonction principale
deviendrait donc d’être le véhicule de l’intégration de régions toujours plus
nombreuses dans la communauté occidentale économique, de sécurité, politique et
culturelle. »
Soumettre des régions toujours plus nombreuses à l’Occident !
J’écrivis alors : « L’Otan est l’armée au service de la
globalisation, l’armée des multinationales. Pas à pas, l’Otan se transforme
bel et bien en gendarme du monde. ». Et j’indiquais les
prochaines cibles probables de l’Otan : Afghanistan, Caucase, retour en
Irak… Pour commencer.
Aujourd’hui que tout cela s’est effectivement réalisé, certains me
demandent : « Vous aviez une boule de cristal ? ».
Pas besoin de boule de cristal, il suffit d’étudier les documents du Pentagone
et des grands bureaux de stratégie US, qui ne sont même pas secrets, et de
saisir leur logique.
Et cette logique de l’Empire est en fait très simple : 1. Le monde
est une source de profits. 2. Pour gagner la guerre économique, il faut être la superpuissance
dominante. 3. Pour ça, il faut contrôler les matières premières, les régions et
les routes stratégiques. 4. Toute résistance à ce contrôle doit être
brisée : par la corruption, le chantage ou la guerre, peu importent les
moyens. 5. Pour rester la superpuissance dominante, il faut absolument empêcher
les rivaux de s’allier contre le maître.
Expansion de l’Otan : sur trois continents
déjà !
Pour défendre
ces intérêts économiques et devenir le gendarme du monde, les dirigeants de
l’Otan sèment la panique : « Notre monde sophistiqué,
industrialisé et complexe a été assailli par bon nombre de menaces
mortelles : changement climatique, sécheresse, famine, cybersécurité,
question énergétique. Ainsi, des
problèmes non militaires, mais sociaux et environnementaux sont utilisés comme
prétextes pour augmenter les armements et les interventions militaires.
Le but de
l’Otan est en fait de se substituer à l’ONU. Cette
militarisation du monde rend notre avenir de plus en plus dangereux. Et cela a
bien sûr un coût terrible : les Etats-Unis prévoient pour 2011 un budget
militaire record de 708 milliards. Soit 2.320 dollars par habitant ! Deux fois
plus qu’aux débuts de Bush. De plus, le ministre US de la Guerre, Robert Gates,
ne cesse de pousser les Européens à dépenser plus : « La
démilitarisation de l’Europe constitue un obstacle à la sécurité et à une paix
durable au 21ème siècle. » Les pays européens ont dû s’engager
envers Washington à ne pas diminuer leurs dépenses militaires. Tout profit pour
les firmes d’armement.
L’expansion
mondiale de l’Otan n’a rien à voir avec Kadhafi, Saddam Hussein ou Milosevic.
Il s’agit d’un plan global pour maintenir la domination sur la planète et ses
richesses, pour maintenir les privilèges des multinationales, pour empêcher les
peuples de choisir leur propre voie. L’Otan a protégé Ben Ali, Moubarak et les
tyrans d’Arabie saoudite, l’Otan protégera ceux qui vont leur succéder, l’Otan
brisera seulement ceux qui résistent à l’Empire.
Pour
devenir gendarme du monde, l’Otan avance en effet pas à pas. Une guerre en
Europe contre la Yougoslavie, une guerre en Asie contre l’Afghanistan et à
présent, une guerre en Afrique contre la Libye. Déjà trois continents !
Elle avait bien été tentée d’intervenir aussi en Amérique latine en organisant
des manœuvres contre le Venezuela il y a deux ans. Mais là, c’était trop
risqué, car l’Amérique latine est de plus en plus unie et refuse les « gendarmes »
des USA.
Pourquoi Washington veut-elle absolument installer l’Otan comme gendarme
de l’Afrique ? A cause des nouveaux rapports de forces mondiaux, analysés
plus haut : Etats-Unis en déclin, contestés : par l’Allemagne, la Russie,
l’Amérique latine et la Chine, et même par des pays petits et moyens du tiers
monde.
Pourquoi ne parle-t-on pas
d’Africom ?
Ce qui inquiète le plus Washington, c’est la puissance croissante de la
Chine. Proposant des relations plus égalitaires aux pays asiatiques, africains
et latino-américains, achetant les matières premières à meilleur prix et sans
chantage colonial, proposant des crédits plus intéressants, réalisant des
travaux d’infrastructure utiles au développement, la Chine leur offre une
alternative à la dépendance envers Washington, Londres ou Paris. Alors, que
faire pour contrer la Chine ?
Le problème, c’est qu’une puissance en déclin économique a moins de
moyens de pression financière même sur les pays africains, les Etats-Unis ont
donc décidé d’utiliser leur meilleure carte : la carte militaire. Il faut
savoir que leurs dépenses militaires dépassent celles de tous les autres pays
du globe réunis. Depuis plusieurs années, ils avancent peu à peu leurs pions
sur le continent africain. Le 1er octobre 2008, ils ont installé
« Africom » (Africa Command). Tout le continent africain (à
l’exception de l’Egypte) a été placé sous un seul commandement US unifié
regroupant l’US Army, l’US Navy, l’US Air Force, les Marines et les « opérations
spéciales » (débarquements, coups d’Etat, actions clandestines…). L’idée
étant de répéter ensuite le mécanisme avec l’Otan pour appuyer les forces US.
Washington, voyant des terroristes partout, en a trouvé en Afrique
aussi. Comme par hasard aux alentours du pétrole nigérian et d’autres
ressources naturelles convoitées. Donc, si vous voulez savoir où se dérouleront les
prochains épisodes de la fameuse « guerre contre le terrorisme »,
cherchez sur la carte le pétrole, l’uranium et le coltan, et vous aurez trouvé.
Et comme l’Islam est répandu dans de nombreux pays africains, dont le Nigéria,
vous avez déjà le prochain scénario…
Objectif
réel d’Africom : « stabiliser » la dépendance de l’Afrique,
l’empêcher de s’émanciper, l’empêcher de devenir un acteur dépendant qui
pourrait s’allier à la Chine et à l’Amérique latine. Africom constitue une arme
essentielle dans les plans de domination mondiale des Etats-Unis. Ceux-ci
veulent pouvoir s’appuyer sur une Afrique et des matières premières sous
contrôle exclusif dans la grande bataille qui s’est déclenchée pour le contrôle
de l’Asie et pour le contrôle de ses routes maritimes. En effet, l’Asie est le
continent où se joue d’ores et déjà la bataille économique décisive du 21ème
siècle. Mais c’est un gros morceau avec une Chine très forte et un front
d’économies émergentes qui ont intérêt à former un bloc. Washington veut dès
lors contrôler entièrement l’Afrique et fermer la porte aux Chinois.
La guerre contre la Libye est donc une première étape pour imposer
Africom à tout le continent africain. Elle ouvre une ère non de pacification du monde,
mais de nouvelles guerres. En Afrique, au Moyen-Orient, mais aussi tout autour
de l’Océan indien, entre l’Afrique et la Chine.
Pourquoi
l’Océan indien ? Parce que si vous regardez une carte, vous voyez que
c’est la porte de la Chine et de l’Asie toute entière. Donc, pour contrôler cet
océan, Washington cherche à maîtriser plusieurs zones stratégiques : 1. Le
Moyen-Orient et le Golfe persique, d’où sa nervosité à propos de pays comme
l’Arabie saoudite, le Yemen, Bahrein et l’Iran. 2. La Corne de l’Afrique, d’où
son agressivité envers la Somalie et l’Erythrée. Nous reviendrons sur ces
géostratégies dans le livre Comprendre le monde musulman – Entretiens avec
Mohamed Hassan que nous préparons pour bientôt.
Le grand crime de Kadhafi
Revenons
à la Libye. Dans le cadre de la bataille pour contrôler le continent noir,
l’Afrique du Nord est un objectif majeur. En développant une dizaine de bases
militaires en Tunisie, au Maroc et en Algérie ainsi que dans d’autres nations
africaines, Washington s’ouvrirait la voie pour établir un réseau complet de
bases militaires couvrant l’ensemble du continent.
Mais le
projet Africom a rencontré une sérieuse résistance des pays africains. De façon
hautement symbolique, aucun n’a accepté d’accueillir sur son territoire le
siège central d’Africom. Et Washington a dû maintenir ce siège à… Stuttgart en
Allemagne, ce qui était fort humiliant. Dans cette perspective, la guerre pour
renverser Kadhafi est au fond un avertissement très clair aux chefs d’Etat
africains qui seraient tentés de suivre une voie trop indépendante.
Le voilà,
le grand crime de Kadhafi : la Libye n’avait accepté aucun lien avec
Africom ou avec l’Otan. Dans le passé, les Etats-Unis possédaient une
importante base militaire en Libye. Mais Kadhafi la ferma en 1969. C’est
évident, la guerre actuelle a notamment pour but de réoccuper la Libye. Ce
serait un avant-poste stratégique permettant d’intervenir militairement en
Egypte si celle-ci échappait au contrôle des Etats-Unis.
Quelles sont les prochaines
cibles en Afrique ?
La
question suivante sera donc : après la Libye, à qui le tour ? Quels
autres pays africains pourraient être attaqués par les Etats-Unis ?
C’est simple. Sachant que la Yougoslavie avait aussi été attaquée parce qu’elle
refusait de rentrer dans l’Otan, il suffit de regarder la liste des pays
n’ayant pas accepté de s’intégrer dans Africom, sous le commandement militaire
des Etats-Unis. Il y en a cinq : Libye, Soudan, Côte d’Ivoire, Zimbabwe,
Erythrée. Voilà les prochaines cibles.
Le Soudan a été scindé et placé sous la pression de sanctions
internationales. Le Zimbabwe est sous sanctions également. La Côte d’Ivoire s’est vu imposer
une guerre civile fomentée par l’Occident. L’Erythrée
s’est vu imposer une guerre terrible par l’Ethiopie, agent des USA dans la
région, elle est sous sanctions également.
Tous ces
pays ont été ou vont être l’objet de campagnes de propagande et de désinformation.
Qu’ils soient dirigés ou non par des dirigeants vertueux et démocratiques n’a
rien à voir. L’Erythrée tente une expérience de développement économique et
sociale autonome en refusant les « aides » que voudraient lui imposer
la Banque mondiale et le FMI contrôlés par Washington. Ce petit
pays remporte de premiers succès dans son développement, mais il est sous
menace internationale. D’autres pays, s’ils « tournent mal », sont
également dans le collimateur des Etats-Unis. L’Algérie particulièrement. En
fait, il ne fait pas bon suivre sa propre voie…
Et pour ceux qui croiraient encore que tout ceci relève d’une
« théorie du complot », que les USA ne programment pas tant de
guerres mais improvisent en réagissant à l’actualité, rappelons ce qu’avait
déclaré en 2007 l’ex-général Wesley Clark (commandant suprême des forces de
l’Otan en Europe entre 1997 et 2001, qui dirigea les bombardements sur la
Yougoslavie) : « En 2001, au Pentagone, un général m’ a dit :
‘Je viens de recevoir un mémo confidentiel (‘classified’) du secrétaire à la
Défense : nous allons prendre sept pays en cinq ans, en commençant par
l’Irak, ensuite la Syrie, le Liban, la Libye, la Somalie, le Soudan et pour
finir l’Iran’. » Des rêves à la réalité, il y a
une marge, mais les plans sont là. Juste retardés.
Quelle:2º partie: Les objectifs des USA vont bien au-delà du pétrole
Zum ersten Teil: Des questions qu’il faut se poser à chaque guerre
Zum dritten Teil: Pistes pour agir
Zurück: zweiter Teil: Die wirklichen Interessen der USA, gehen weit über das Erdöl hinaus deutsche Übersetzung
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