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Drachenwut's Politikblog ThemenPolitische KorrektheitPolitische Korrektheit (dengl. pollitickel koräktnäss) ist heutzutage, dass logisch-auf sich beruhende Gegenteil von faktischer Korrektheit. |
A chaque guerre, c’est ainsi. Au début, il est presqu’impossible de s’y opposer. Le matraquage
médiatique est tel qu’on est immédiatement catalogué comme complice d’un
monstre. Après un certain temps, quand viendront les « bavures », les morts
civils, les échecs militaires et les révélations sur « nos amis », le débat
finira bien par s’ouvrir. Mais au début, c’est très dur.
Partie 1 : Des questions qu’il faut se poser à
chaque guerre
Partie 2 :Les véritables objectifs des USA vont bien au-delà du pétrole
3ème
partie : Pistes pour agir
Pour
débloquer ce débat, la bataille de l’info est la clé, comme nous le disions encore
il y a une semaine. Et cette
bataille ne peut être menée que par chacun de nous, là où il est, en fonction
des personnes rencontrées, en écoutant bien ce qui les influence, en vérifiant
les infos avec eux, patiemment… Pour mener efficacement ce débat, il est très
important d’étudier l’expérience de la désinformation dans les guerres
précédentes.
Les 5 principes de la propagande de guerre appliqués
à la Libye
Cette
expérience, nous l’avons résumée dans les « cinq principes de la
propagande de guerre », exposés dans notre livre Israël,
parlons-en ! A chaque guerre, les médias veulent nous persuader que
nos gouvernements font bien et pour ça, ils appliquent ces cinq
principes : 1. Occulter les intérêts économiques. 2. Inverser la victime
et l’agresseur. 3. Cacher l’Histoire. 4. Diaboliser. 5. Monopoliser l’info.
Ces cinq
principes ont été appliqués à nouveau contre la Libye, on s’en est rendu compte
dans les pages précédentes. Pour finir, attirons l’attention sur le
quatrième : la diabolisation de l’adversaire. Les va-t-en-guerre doivent
toujours persuader l’opinion qu’ils n’agissent pas pour obtenir des avantages
économiques ou stratégiques, mais bien pour éliminer une grave menace. Dans
chaque guerre, depuis des décennies, le dirigeant adverse a toujours été
présenté comme cruel, immoral et dangereux, avec les pires récits d’atrocités.
Par après, beaucoup de ces récits - et parfois tous - se sont dégonflés, mais
peu importe, ils avaient rempli leur rôle : manipuler l’émotion du public
pour l’empêcher d’analyser les intérêts réellement en jeu. Impossible de
revenir en arrière.
Nous
n’avons pas eu les moyens d’aller en Libye. Par contre, nous avons été en
Yougoslavie, sous les bombes de l’Otan et nous avons constaté, et prouvé, que
l’Otan avait menti systématiquement. Nous l’avons
constaté aussi en Irak. Quant à la Libye, cela y ressemble beaucoup, mais nous
n’avons pas eu jusqu’ici les moyens de procéder à des test-médias sur les infos
présentées. Notre équipe Investig’Action manque encore des moyens nécessaires.
Mais plusieurs observateurs ont déjà repéré de forts indices de désinformation.
Par exemple, les « six mille morts qui auraient été victimes des
bombardements de Kadhafi sur des civils ». Où sont les images ?
Il n’y avait aucune caméra, aucun téléphone portable là-bas comme il y en avait
à Gaza, à la place Tahrir, à Tunis ou au Bahrein ? Aucune preuve, aucun
témoignage fiable, des démentis par les satellites russes ou des observateurs
de l’UE, et pourtant l’info a tourné en boucle inlassablement et plus personne
n’ose la contredire sous peine d’être taxé de « complicité ».
Une
guerre civile, ce n’est jamais de la dentelle, mais ceci est vrai des deux
côtés. Une info partiale essaiera toujours de nous faire croire que les
atrocités sont commises d’un seul côté et donc qu’il faut soutenir l’autre.
Mais il convient d’être très prudent sur de tels récits.
Qui nous informe ?
Ce qu’il
faut pouvoir montrer autour de nous, c’est que la diabolisation ne tombe pas du
ciel. Elle est diffusée par des médias qui prennent parti, souvent sans le
dire. Et c’est quand même toujours la première question à se poser dans une
guerre : m’a-t-on fait entendre l’autre partie ?
Pourquoi
en Europe et aux Etats-Unis, les médias sont-ils à fond contre Kadhafi ?
Et pourquoi, en Amérique latine, en Afrique, en Asie, en Russie, dénonce-t-on
au contraire une nouvelle croisade impérialiste ? Ils se
trompent tous ? Les Occidentaux savent toujours tout mieux ? Ou bien chacun est-il influencé
par ses médias ? Alors, devons-nous suivre aveuglément nos médias ou les
tester ?
Nous
avons été abondamment abreuvés sur les côtés négatifs de Kadhafi. Mais qui nous
a signalé ses aspects positifs ? Qui nous a parlé de son aide aux projets
de développement africain ? Qui nous a dit que la Libye
connaissait, selon les institutions internationales , le plus haut
« indice de développement humain » de toute l’Afrique, loin
devant les chouchous de l’Ouest comme l’Egypte ou la Tunisie ? Espérance de vie : 74 ans,
analphabétisme réduit à 5%, budget de l’éducation à 2,7% du PIB et celui de la
Défense à 1,1%.
Distinguer deux questions
différentes
Il y a beaucoup d’intimidation intellectuelle dans le débat sur la
Libye. Si vous dénoncez la guerre contre la Libye, on vous accuse de soutenir
tout ce qu’a fait Kadhafi. Pas du tout. Il faut distinguer deux problèmes bien
différents.
D’une part, les Libyens ont parfaitement le droit de choisir leurs
dirigeants, et d’en changer par les moyens qu’ils jugent nécessaires. Les
Libyens ! Pas Obama, ni Sarkozy. Tout en faisant le tri dans les
accusations contre Kadhafi, entre ce qui est vraiment établi et ce qui relève
de la propagande intéressée, un progressiste peut très bien souhaiter que les
Libyens aient un meilleur dirigeant.
D’autre part, quand la Libye est attaquée parce que des pirates veulent
faire main basse sur son pétrole, ses réserves financières et sa position
stratégique, alors il faut dire que le peuple libyen souffrira encore plus sous
le pouvoir de ces pirates et de leurs marionnettes. La Libye perdra son pétrole, ses
entreprises, les réserves de sa banque nationale, ses services sociaux et sa
dignité. Le néolibéralisme appliquera ses sales recettes qui ont déjà plongé
tant de peuples dans la misère.
Mais un
bon dirigeant, ça n’arrive jamais dans les valises des envahisseurs et à coups
de bombes. Ce que les Etats-Unis ont amené en Irak, c’est un Al-Maliki et un
petit groupe de corrompus qui vendent leur pays aux multinationales. En Irak,
on n’a toujours pas la démocratie, mais en outre, on a perdu le pétrole,
l’électricité, l’eau, les écoles et tout ce qui permet une vie un peu digne. Ce
que les Etats-Unis ont amené en Afghanistan, c’est un Karzaï qui ne règne sur
rien sauf un quartier de Kaboul, pendant que les bombes US frappent des
villageois, des fêtes de mariage, des écoles et que le commerce de la drogue ne
s’est jamais aussi bien porté.
Les
dirigeants qui seraient imposés à la Libye par les bombes occidentales seraient
pires que Kadhafi. Donc, il faut soutenir le gouvernement légal libyen
lorsqu’il résiste à ce qui est vraiment une agression néocoloniale. Parce que
toutes les solutions préparées par Washington et ses alliés sont
mauvaises : que ce soit le renversement ou l’assassinat de Kadhafi, que ce
soit la scission du pays en deux ou que ce soit la « somalisation »,
c’est-à-dire une guerre civile de basse intensité et de longue durée. Toutes
ces solutions apporteront des souffrances aux populations.
La seule
solution dans l’intérêt des Libyens est la négociation, avec des médiateurs
internationaux désintéressés qui ne soient pas partie au conflit, comme Lula.
Un bon accord implique le respect de la souveraineté libyenne, le maintien de
l’unité du pays, la préparation de réformes pour démocratiser et mettre fin aux
discriminations régionales.
Faire respecter le droit qui est le contraire du
« droit d’ingérence »
Ce débat politique délicat, il faut toujours essayer de le ramener aux
principes de base de la vie internationale : souveraineté des Etats,
coexistence pacifique entre systèmes différents, non-ingérence dans les
affaires intérieures. Les puissances occidentales
aiment se présenter comme celles qui cherchent à faire respecter le droit. Mais
c’est complètement faux.
On nous dit que les Etats-Unis sont aujourd’hui beaucoup plus
respectueux du droit international qu’au temps du cow-boy Bush, et qu’il y a eu
cette fois une résolution de l’ONU. Ce n’est pas l’endroit pour discuter si l’ONU
représente vraiment la volonté démocratique des peuples ou si les votes de
nombreux Etats sont l’objet d’achats et de pressions. Mais on fera simplement
remarquer que cette résolution 1973 viole le droit international et, tout
d’abord, la Charte fondamentale… de l’ONU elle-même.
En effet,
son article 2 § 7 stipule : « Aucune disposition de la présente
Charte n'autorise les Nations Unies à intervenir dans desaffaires qui relèvent
essentiellement de la compétence nationale d'un Etat. ». Réprimer une insurrection armée est de la compétence d’un Etat même si
on peut en regretter les conséquences. De toute façon, si bombarder des
rebelles armés est considéré comme un crime intolérable, alors il faut
d’urgence juger Bush et Obama pour ce qu’ils ont fait en Irak et en
Afghanistan.
De même, l’article 39 limite les cas où la contrainte militaire est
autorisée : « L'existence d'une menace contre la paix, d'une
rupture de la paix ou d'un acte d'agression » (contre un autre pays). La Libye ne correspond à aucun de
ces trois cas, et cette guerre est donc, elle aussi, illégale. A remarquer, juste
pour rire, que même le Traité de l’Otan précise dès son article 1 :« Les
parties s'engagent, ainsi qu'il est stipulé dans la Charte des Nations Unies, à
régler par des moyens pacifiques tous différends internationaux dans lesquels
elles pourraient être impliquées.
On nous présente ce « droit d’ingérence humanitaire » comme
une nouveauté et un grand progrès. En réalité, le droit d’ingérence a été pratiqué
pendant des siècles par les puissances coloniales contre les pays d’Afrique,
d’Asie et d’Amérique latine. Par les forts contre les faibles. Et c’est
justement pour mettre fin à cette politique de la canonnière qu’ont été
adoptées en 1945 de nouvelles règles du droit international. La Charte des
Nations-unies a précisément interdit aux pays forts d’envahir les pays faibles
et ce principe de la souveraineté des Etats constitue un progrès dans
l’Histoire. Annuler cette conquête de 1945 et revenir au droit d’ingérence,
c’est revenir aux temps des colonies.
Alors,
pour nous faire quand même approuver une guerre très intéressée, on joue la
corde sensible : le droit d’ingérence serait nécessaire pour sauver des
populations en danger. De tels prétextes étaient aussi utilisés dans le temps
par la France, la Grande-Bretagne ou la Belgique coloniales. Et toutes les
guerres impériales des Etats-Unis se sont faites avec ce genre de
justifications.
Avec les
Etats-Unis et leurs alliés en gendarmes du monde, le droit d’ingérence
appartiendra évidemment toujours aux forts contre les faibles, et jamais
l’inverse. L’Iran a-t-il le droit d’ingérence pour sauver les
Palestiniens ? Le Venezuela a-t-il le droit d’ingérence pour mettre fin au
coup d’Etat sanglant du Honduras ? La Russie
a-t-elle le droit d’ingérence pour protéger les Bahreinis ?
En
réalité, la guerre contre la Libye est un précédent qui ouvre la voie à
l’intervention armée des Etats-Unis ou de leurs alliés dans n’importe quel pays
arabe, africain ou latino-américain. Aujourd’hui, on va tuer des milliers de
civils libyens « pour les protéger », et demain on ira tuer des
civils syriens ou iraniens ou vénézuéliens ou érythréens « pour les
protéger » pendant que les Palestiniens et toutes les autres victimes des
« forts » continueront à subir dictatures et massacres….
Montrer
que l’intervention occidentale viole le droit et nous ramène aux temps des
colonies me semble un thème à placer au centre du débat.
Que faire ?
Les
Etats-Unis ont baptisé « Aube de l’Odyssée » la guerre contre
la Libye. Or, leurs noms de code contiennent toujours un message adressé à notre
inconscient. L’Odyssée,
grand classique de la littérature grecque antique, relate le voyage de vingt
ans entrepris par Ulysse à travers l’univers. A demi-mots, on nous dit ici
que la Libye est le premier acte du long voyage des Etats-Unis pour (re)conquérir
l’Afrique.
Ils tentent ainsi d’enrayer leur déclin. Mais, au final, ce sera en vain, les Etats-Unis
perdront inévitablement leur trône. Parce que ce déclin n’est pas dû au hasard
ou à des circonstances particulières, il est dû à leur mode même de
fonctionnement. Le célèbre théoricien libéral du capitalisme Adam Smith avait
prévenu il y a longtemps : « L’économie de tout pays qui pratique
l’esclavage des Noirs est en train d’amorcer une descente vers l’enfer qui sera
rude le jour où les autres Nations vont se réveiller ».
Mais en
fait les Etats-Unis ont remplacé un esclavage par un autre. Au vingtième
siècle, ils ont bâti leur prospérité sur la domination et le pillage de pays
entiers, ils ont vécu comme des parasites et ils ont par là- même affaibli
leurs capacités économiques internes. L’humanité a intérêt à ce que ce système
prenne fin définitivement. Même la population des Etats-Unis y a intérêt. Pour
qu’on cesse de fermer ses usines, de détruire ses emplois et de confisquer ses
maisons afin de payer les bonus des banquiers et les dépenses de guerre. La
population européenne aussi a intérêt à une économie non plus au service des
multinationales et de leurs guerres, mais au service des gens.
Nous sommes donc à un tournant, quelle « aube » allons-nous
choisir ? Celle
annoncée par les Etats-Unis, et qui nous mènera vers vingt ou trente années de
guerres incessantes sur tous les continents ? Ou bien une aube
véritable : un autre système de relations internationales, où personne
n’imposera ses intérêts par la force et où chaque peuple choisira librement sa
voie ?
Comme à
chaque guerre des vingt dernières années, une grande confusion règne dans la
gauche européenne. Les discours pseudo-humanitaires relayés par les médias
aveuglent parce qu’on oublie d’écouter l’autre version, d’étudier les guerres
précédentes, de tester l’info.
Notre
site Investig’Action – michelcollon.info s’efforce d’aider chacun à s’informer,
à informer et à débattre. Mais nos moyens sont trop limités comparés aux grands
médias. Nous lançons donc un double appel à tous ceux qui le peuvent. 1°
Rejoignez notre réseau de chercheurs bénévoles pour développer l’analyse des
stratégies des Etats-Unis et des autres grandes puissances, l’analyse des
relations économiques et politiques ainsi que des guerres en préparation . 2°
Rejoignez notre collectif d’analyse critique « Test-médias ».
Un monde
sans guerre, ça dépend de chacun de nous.
Michel
Collon, 8 avril 2011
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